• Chapitre 2 : Terre

    Les jours, les mois s’en suivirent. Et Diane poursuivit son oeuvre de vie. Elle donna vie à plein de Lucas. Plein d’être capables de communiquer, de se reproduire, et avec des facultés qui les rendaient tous différents. Certains capables d’attaquer, d’autres de se défendre, d’autres d’infecter, d’autres de manger. Certains respiraient du dioxygène. D’autres du dioxyde de soufre. Certains mangeaient des herbes, d’autres étaient ces herbes. Un magnifique cycle, sur plein de magnifiques planètes, plein de magnifiques satellites naturels, parfois même sur de somptueux astéroïdes. 

     

    Aucune n’avait sa préférence, c’étaient toutes ses havres de paix à elle. Où la vie tout comme la mort régnaient en maître, avec parfois la connaissance et le désire de connaître. 

     

    Ce fameux désire de connaître, il est très présent sur une planète : la Terre. Diane y va souvent, rien que pour les écouter parler. Elle n’a pas d’année préférée. Ni de pays préféré. Elle aime ecouter Alexandre Astier jouer un Arthur conquérant et dépressif, elle aime entendre Einstein réfléchir aux théories des relativités générales et restreintes, elle aime écouter Michèle Torr chanter, elle aime regarder Vincent Van Gogh peindre. 

     

    Elle les a accueillis, quand ils sont morts. Elle est allé à leur rencontre, pour leur déclarer ce qu’elle ne pouvait leur dire. Elle aurait donné n’importe quoi pour que certains d’eux leur disent ce qu’ils voyaient, maintenant qu’ils n’étaient plus charnellement présents. Capable de la voir. De la toucher. De lui parler. À elle, la vie. 

     

    « Est-ce que.. Ma vision du monde actuel est différente de la tienne ? » Avait demandé Astier (bien, bien après 2020). Diane avait ouvert la bouche pour parler, mais rien n’était sorti. Elle avait juste penché la tête sur le côté, un air songeur sur le visage. Elle n’était toujours pas quelqu’un de très intelligent, ou de spécialement rapide. Mais elle était douée dans la copie. Alors elle fit comme lui : montrer monts et merveilles. 

     

    « Juste un petit test. Tu es prêts ? » Demanda Diane de sa voix pure, personnifiée. Qui pourrait contester que ça n’est pas simplement l’imagination de quelqu’un qui fait un peu trop effet, après la mort ? Qui peut attester qu’un esprit n’est rien une fois mort ? Qui peut attester que l’imagination vient entièrement du cerveau, qui ne peut attester que ce fameux organe ne fait pas que la maîtriser pour que l’on ne s’y perde pas ? 

     

    Diane, pour un instant, posa ses mains de figure de style sur les tempes de l’humain. Voulant montrer ce qu’elle voyait, mais comme faire ? Un échange électrique, comme avec les ions ? Bonne idée. Diane se concentre. Ferme les yeux. « Échanges ioniques.. Échanges ioniques... » Dit-t-elle comme s’il s’agissait d’une incantation. 

     

    L’échange eut lieu, leurs visions furent échangées. Elle vit sa propre personnification à travers les yeux de cette personne. Elle regarda ses propres mains, des mains humaines. Elle ne s’était jamais vue elle même. Un nuage, de la couleur de son environnement, avec en guise de reflets non pas de la lumière, mais des couleurs. Comme des nuages de poussières, comme si elle était elle même une nébuleuse. 

     

    « On s’accorde pour dire que c’est très différent de ce à quoi on s’attendait ? »

     

    « Oui. » 

     

    Diane laissa l’esprit d'Alexandre Astier partir. Pas Alexandre le Grand, elle le craint, mais un grand Alexandre tout de même. 

     

    Mais un cri lui échappe. L’échange ionique toujours actif, elle s’est sentie disparaître, à sa place. Elle crut u instant faire l'expérience de la mort. Leur connexion est restée en tout quelques minutes humaines. Tout était noir, noir, vraiment noir. Comme s’il n’y avait simplement.. Rien. Juste une brume opaque, noire. 

     

    Mais une fois qu’elle ouvrit les yeux, elle revit l’endroit qu’elle avait toujours vu. Comme elle l’avait toujours vu. L’Homme avait choisit de mourir chez lui. C’est là qu’elle était. Personne ne la voyait. Personne ne la ressentait. Personne ne savait jusqu’à sa définition : la vie. 

     

    La vie venait de partir, puis de revenir à la normale. 

     

    Diane n’en avait pourtant pas fini, avec la Terre. Elle qui accompagnait dans la naissance dans la vie de chaque être et chose vivante, se mit en tête d’accompagner toute chose et créature vivante dans la naissance de la mort. 

     

    Imaginons. Nous mourrons, et nous sommes accueillis par une douce femme à l’apparence irréelle qui nous sourit. N’est-ce pas agréable, de s’imaginer cela possible ? 

     

    « Je suis mort à minuit pile. » Lui dit ce vieil homme. 

    « Que veut dire Minuit ? »

    « Oh. Je ne pensais pas voir une chose si belle de toute ma vie. » Diane ne comprit pas, mais le vieil homme ne parlait pas du temps, à cet inst ant. 

    « Comme il est plaisant de t’entendre dire ça ! »

    « Oh mon petit ça fait bien longtemps que l’on ne m’a plus tutoyé. C’est un grand plaisir que tu me fais là. »

    « Que veut dire tutoyer ? » Demande sa petite, pas si petite que cela. 

    « C’est quand tu es familier à quelqu’un. Si tu ne l’es pas, tu peux dire “vous”, “vous êtes” au lieu de “tu es”.  » Le vieil homme était professeur de français. Il fit un petit cours de conjugaison à sa dernière élève : la vie elle-même. 

     

    Le vieil homme lui apprit avant de partir pour de bon que une journée représentait 24 heures, qu’une heure était 60 minutes, une minute 60 secondes, et que Minuit pile était 00 heures et 00 minutes dans une journée, le premier moment de la journée. 

     

    « Depuis combien de temps est-ce que tu fais-ça ? » Demanda un petit être, morte fauchée dans un éboulement. 

     

    « Je ne sais pas, comment exprimes-tu le temps ? »

    « En degrés. »

    « Comment ça ? Je ne connais que les heures des humains, elle a beaucoup d’importance, pour eux. »

     

    « Qu’est-ce qu’un humain ? » Demanda la petite. 

    « Un bipère dépourvu de poils, qui aimerait tout connaître et tout posséder. » Répondit la grande. 

    « Oh ! Nous les appelions les Doigts.. Ils sont tellement plus grands que nous, ils ont détruits nos constructions plus d’une fois.. »

     

    L’être possédait une carapace. Elle lui expliqua comment elle et ses soeurs communiquaient chacune avec les autres et avec leur reine mère. Comment elles comptaient les puces. Comment elles ont fait la guerre aux guêpes. 

     

    Avant de partir, la fourmie lui apprit que le temps en degré était qu’une seconde était une seconde, mais une seconde sous 24°c n’était pas la même que une seconde sous -2°c ou 36°c. 

     

    Bernard Werber aurait été heureux de rencontrer cette petite demoiselle assexuée. 

     

    « J’aurais aimé ne pas mourir seule.. » Lui dit une petite bactérie Martienne, après qu’une fusée humaine se soit posée sur sa colonie. 

     

    « Diane. Où sont partis les humains, d’après toi ? » Chanta un jour le Soleil dans son dernier chant ionisant. 

    « Je ne veux pas que les humains fassent du mal à d’autres planètes.. » S’exprima la Terre dans un ultime vent solaire, avant que son noyau ne cesse toute activité. 

    « Ont-ils appris de leurs erreurs avec toi, Terre ? » S’enquit Vénus. à l’intention de celle-ci. Mais elle était déjà morte, loin de toutes ondes ioniques. 

     

    « Tu es déjà allé voir ce qu’il se passe au centre d’un trou noir ? » Demanda un jeune homme solitaire. 

    « Oui. Une partie de moi y est. »

    « Et qu’est-ce qu’elle en dit ? »

    « Elle n’arrive pas à communiquer. On y entre facilement, mais on ne ressort pas d’un trou noir. Le mystère est entier, même pour moi. Je ne sais que leur donner vie. »

    « Mais tu fais parti de l’espace temps ? »

    « En effet. Les trous noirs forment un immense creux. Mais personne ne sait ce qu’il y a en son centre. Ils défient les loies des infinis. Et leurs rayonnements de Hawking sont trop petits pour que je réussisse à communiquer avec eux. » Diane trouvait que les trous noirs ressemblaient à des Wendigowak. Un wendigo au singulier, c’est une créature fantastique dévorant tout ce qu’elle trouve mais qui n’est jamais repue, plus elle mange, plus elle a faim. Comme un trou noir. 

     

    « La personnification de la vie ? C’est toi ? » Lui a-t-il demandé. 

    « Oui, c’est moi. Appelle moi Diane ! » Mais elle n'eut malheureusement pas le temps de terminer cette phrase, car le jeune homme à la chevelure bouclée lui sauta dessus, les mains à la gorge. Diane se retrouva plaquée au sol, sentant sur sa gorge deux mains serrant de plus en plus. Mais Diane ne respire pas. Elle n’a aucun coeur qui bat. Elle n’a littéralement aucune forme concrète. 

     

    Dans le choc de la situation. Elle se dématérialisa pour disparaître complètement. Le vide tendit les bras au jeune homme à la crinière de feu qui s’en contenta. « T’es qu’une salope, Diane ! Tu m’entends ?! UNE SALOPE ! ». Hurla le jeune homme fraîchement décédé dans le vide. Personne ne l’entendit. Sauf Diane. 

     

    Diane l’entendit. Comme s’il hurlait à l'intérieur même de sa tête. L’étincelle de son esprit s’éteignit, le hurlement avec. Sa haine avec lui. Personnage bien vite oublié qui venait d’apprendre à Diane ce qu’était la haine. 

     

    Elle en vit une autre comme ça. Quelques années plus tard. Une jolie musulmane. Elle ne connaissait pas le principe de religion. Quelle fut sa surprise de découvrir qu’il se pourrait, autant qu’il ne se pourrait pas, qu’un dieu quelconque existe ! Elle sourit à la jeune fille, mais la jeune fille ne lui sourit pas en retour. Aucune haine, non, juste de la tension. Diane se mise à sa hauteur, pour voir ce que ses yeux avaient à lui raconter. Elle ne savait pas ce qui faisait que les humains savaient désormais à qui ils s’adressaient, quand ils s'adressaient à elle, mais ce n’était pas des plus agréable. Si on l’avait reconnue jusque là comme une passeuse entre la vie et la mort, on la considérait désormais comme l’origine des causes à effet de chacune des vies. Alors qu’elle n’en est que la mitose, elle même sujette à la cause à effet. 

     

    « Pourquoi certaines vies sont pires que d’autres ? Et pourquoi d’autres sont belles ? » Demanda-t-elle, doucement. Avec un calme qui surprit Diane, qui s’attendait à la réaction de l’autre fois, quand le jeune homme s’était jeté sur elle pour essayer, non sans y croire, de lui faire du mal. Sur la défensive, Diane répondit d’une voix fébrile. 

    « Je ne sais pas ma douce, je suis la vie, pas la cause à effet. J’ai engendré le sang qui coule dans tes veines dans une origine lointaine, et je viens cueillir ta belle fleur fanée car tout a une fin. Mais ce que tu décris est la cause à effet. Je n’ai aucun pouvoir dessus, je ne le contrôle pas. Je ne vole pas la vie, j’éteins les incendies et j’allume les allumettes. Le destin, les causes à effet jouent avec, d’une manière que je ne maîtrise pas. ?

     

    « Et.. Pourquoi ai-je ressenti ma vie, qui avait tout de belle, comme un cruel jeu de piste ? »

    « J’aime cette métaphore, mais je compare plus les vies en tant que événements temporels à une roulette russe. »

    « L’univers n’est il pas si grand que les coïncidences en deviennent dérisoires ? »

    « Qui sait ? » Clotura Diane, un doigt sur le sourire dessiné à l’encre bleue et rose sur ses lèvres. 

     

    Mais ce n’est pas la personne la plus intéressante qu’elle eu l’occasion de voir. Il y en avait eu tellement. Tellement de personnes. Tellement de (haine) merveilles.

    « Bonjour ? »

    « Bien le bonjour ! » L’homme était un vétérinaire mort à l’âge vénérable de ce que ses observations estiment à 89 ans. 

    « Je peux me tromper mais.. Tu es la vie ? Mais quelle vie ? Biologique ? Événementielle ? Peut-être que tu es les deux ? » Heureuse qu’on le lui demande, Diane tendit sa main au garçon, qui la saisie sans se faire prier. 

    « Je me suis appelée Diane. Mais la vie que je procure n’est pas que biologique. Elle est également géologique. » Une bulle tient entre ses mains, elle fait en sorte que le vétérinaire la sente aussi entre ses propres mains. L’esprit vit entre ses mains, et ressentit sur ce qui était la personnification de sa peau la chaleur grimper, les atomes se mettre à bouger. À plonger, vers le centre de leurs mains.  L’étoile grandit. Grandit. Grandit. Petit humain au creux d’une nébuleuse, te sens-tu père de cette étoile qui vient de naître ? 

     

    « Est-ce qu’elle est vivante, cette étoile ? »

    « Tout dépend de ce qu’est la vie pour toi. »

    « Un ensemble de réaction chimiques qui en entraînent d’autres, plus complexes. » 

    « Est-ce qu’elle est en vie, cette étoile ? »

    « C’est une bonne question. D’un côté oui, parce qu’elle évolue, il y a des atomes qui meurent et qui communiquent, elle fait des champs magnétiques et des vents solaires, il y a plein d'événements chimiques petits et grands, tous plus complexes les uns que les autres. »

    « Mais d’un autre ? » Diane apprend ce qu’est qu’un débat. 

    « Non. Parce qu’elle est techniquement en vie, mais sur une si grande période qu’elle a l’air inerte et statique. Ses événements chimiques ne sont pas très complexes, ni minutieux, sauf si je me trompe ? »

     


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